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Économies d’énergie: la parole à l’Université de Lausanne


(c) UNIL

Interview

Benoît Frund,

Vice-recteur de l’UNIL


Comment l’UNIL de prépare-t-elle à affronter la pénurie d’énergie et quelles seront les conséquences pour les étudiants et le personnel ? Une institution comme l’UNIL peut-elle modifier son fonctionnement dans des délais si courts pour faire une vraie différence dans sa consommation d’énergie ? et d’ailleurs, l’UNIL est-elle énergivore, par rapport à sa taille ?

L’UNIL, comme tous les grands consommateurs, doit se préparer à affronter la pénurie d’énergie. Elle consomme environ 26,5 GWh/an, ce qui représente l’équivalent d’environ 7’000 ménages de 4 personnes. Sachant que nous sommes environ 4’500 collaboratrices et collaborateurs et 17’000 étudiantes et étudiants et que nous avons pris de nombreuses mesures d’économie depuis plus de 10 ans, on peut dire que l’UNIL fait sa part.


Depuis le mois d’août, une équipe de notre service des bâtiments (Unibat) est à l’œuvre pour identifier les installations qui consomment le plus et toutes les pistes qui permettent de diminuer la consommation sans modifier de manière importante le confort des usagères et usagers. Le plan OSTRAL de la Confédération nous oblige à élaborer des scénarios de contingentement de 10, 20, … jusqu’à 50 % de la consommation de l’année précédente au même moment. Nous sommes donc en train d’élaborer ces documents, tout en incitant les membres de notre communauté à prendre d’ores et déjà des habitudes de sobriété que nous espérons pérennes. Entre les mesures que prennent nos équipes (diminution de l’éclairage, réglages fins des ventilations, baisse de la température des locaux, interdire les chauffages d’appoint électriques, etc.) et les petits gestes demandés aux membres de la communauté (ne plus utiliser les ascenseurs, renoncer à la machine à café dans le bureau, éteindre les PC, etc.), nous devrions pouvoir réduire notre consommation d’environ 10 %. Ensuite, si les autorités décident d’activer le contingentement, il faudra toucher à l’activité, mais je ne sais pas encore précisément comment, je ne peux donc pas en dire plus. Une chose est sûre, toutefois : nous allons tout faire pour préserver le plus longtemps possible l’enseignement en présentiel.


C’est évidemment un exercice difficile de revoir tous nos fonctionnements consommateurs d’énergie (et il y en a beaucoup !) en un temps si court. Mais c’est en même temps une occasion unique de revoir certaines de nos habitudes. Nos collègues sont très investis et proposent quantité de solutions pour être plus efficients énergétiquement parlant.

Pensez-vous que l’on vit une situation de crise particulière avant un retour à la normale ou l’UNIL se prépare-t-elle à une modification durable de ses habitudes en matière de consommation d’énergie, comme le COVID a changé les habitudes avec la systématisation du télétravail ? va-t-on vers plus ou moins d’enseignement à distance ?

Je ne suis pas devin, mais je pense que nous sommes en train de changer durablement certaines de nos habitudes et c’est une très bonne chose. Il y a une situation géopolitique particulière qui crée des pénuries temporaires, mais le réchauffement climatique n’est malheureusement pas une crise passagère, mais un changement global et durable qu’il faut affronter dès maintenant.


Le COVID nous a permis d’apprendre à travailler à distance, mais nous avons aussi vu à quel point il était important de nous retrouver sur le campus. L’enseignement à distance est un outil supplémentaire, qui peut être utile aux étudiant·e·s mais il ne remplace pas le présentiel, loin s’en faut. Comme le télétravail, d’ailleurs. Il persiste, certes, mais nous constatons que nos collègues du personnel administratif et technique dans leur majorité ne l’utilisent que de manière subsidiaire, à raison d’un ou deux jours par semaine.

Mme Julia Steinberger, professeure de l’UNIL qui a par ailleurs participé à l’élaboration du dernier rapport du GIEC, peignait ce printemps sur l’antenne de la RTS (TJ 19h30 du 4 avril 2022) un tableau sombre, et précisait que la fenêtre pour agir contre le dérèglement climatique se referme rapidement, tout en soulignant que seules des politiques de changement radicales et immédiates pouvaient être en mesure de nous aider à éviter le pire. Ma question est donc : en faisons-nous assez et comment l’UNIL intègre-t-elle un tel message ? Quel peut être son poids ou son rôle pour éduquer et accompagner les élus, la population et les collectivités publiques dans ce nécessaire changement que nous devons opérer?

Malheureusement, non, nous n’en faisons pas assez ! Pour respecter l’Accord de Paris, il faut cesser d’émettre des gaz à effet de serre au plus vite. Plus nous tardons à agir, plus il faudra freiner fort : le climat est un système complexe avec beaucoup d’inertie. Comme un gros navire, il faut commencer à virer longtemps avant d’arriver à la côte, sinon on la percute sans avoir eu le temps de modifier la trajectoire.


L’UNIL a mis au cœur de ses préoccupations la transition écologique depuis plus de 10 ans. Elle a la chance d’avoir une grande communauté et un large campus. Elle peut donc s’appliquer à elle-même des politiques visant à traduire dans ses actes les principes de durabilité. Concrètement, nous avons déjà commencé à réduire l’intensité énergétique de notre fonctionnement : depuis 2015, nous avons baissé notre consommation d’électricité de 13 %, alors que nous avons dans le même temps augmenté le nombre de membres de la communauté et ouvert de nouveaux bâtiments. En termes de mobilité, nous avons divisé par deux la part modale de la voiture et doublé la part modale de la mobilité douce. Nous avons créé un observatoire de la biodiversité sur le campus, nous travaillons sur la réduction de l’impact de nos restaurants, etc. L’idée est de faire de l’UNIL un laboratoire vivant de la transition écologique. Toutes les personnes qui passent quelques temps à l’UNIL, pour leurs études ou pour le travail, devraient en ressortir avec une conscience de la durabilité. Et si nous essayons des choses sur nous-mêmes et que ça marche, ce sont peut-être des pistes pour la population de la région, du canton, du pays. Nous n’avons pas LA solution, mais nous pouvons proposer des pistes. Notre mission est d’accompagner la société pour qu’elle se choisisse une trajectoire qui respecte les limites de la planète et les équilibres sociaux.


Propos recueillis par Yves Leyvraz


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